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À Louviers, dans l'Eure, la communauté des joueurs de Pokémon Go n'a pas abdiqué

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La communauté rassemblée au niveau de la « maison pour pigeons », une arène de Pokémon Go.

La communauté rassemblée au niveau de la « maison pour pigeons », une arène de Pokémon Go. (©La Dépêche de Louviers)

Samedi 12 janvier, ils étaient encore une bonne vingtaine de joueurs de Pokémon Go au moins à se rassembler au jardin public de Louviers, dans l’Eure. Preuve en est que – bien que son attrait se soit essoufflé depuis sa sortie en 2016 – le jeu vidéo conserve d’irréductibles fans.

L’objectif de la journée pourra sembler bien obscur aux non-adeptes : capturer des « Kaiminus », si possible « chromatiques. »

Pour faire clair, le jeu proposait une période spécifique de trois heures durant lesquelles un des Pokémons se trouvait en plus grande quantité, et où il était possible de le récupérer sous une forme plus rare. Une aubaine pour les plus collectionneurs, mais aussi un bon prétexte pour se rassembler, sortir de chez soi et rencontrer des personnes très différentes de son cercle social.

Du joueur occasionnel au plus mordu

Sylvie, par exemple, n’avait jamais joué à un opus de la franchise, et l’a découvert avec sa famille. « C’était pour mon fils de 26 ans. Il a arrêté alors que nous [N.D.L.R. : son mari et elle] on est devenu drogués. On rencontre du monde de toutes générations, c’est sympa. » Avec son mari, Ludovic, ils ont leur petite routine. « On prend notre ‘arène’ tous les matins, et on joue trois quarts d’heures le matin, et la même chose le soir. » Parmi les petits groupes qui se forment au gré des rencontres, certains ne jouent que de manière occasionnelle. C’est le cas de Maurice, par exemple. « Je venais plus souvent quand mes enfants y jouaient. Maintenant, j’allume le jeu de temps en temps, j’en profite quand je me promène. »

C’est la notification, envoyée à toutes les personnes qui ont installé l’application, qui lui a appris la tenue de cette journée communautaire, et l’a poussé à venir.

Marvin, au contraire, fait plutôt office de joueur chevronné. Il joue « 1 h 30 par jour le matin et jusqu’à 3 h l’après-midi, si je suis motivé ». Il fait le tour des « pokéstops », c’est-à-dire des points d’intérêts répertoriés dans le jeu, et dont la visite permet d’obtenir divers objets utiles aux dresseurs.

Pour ce joueur, qui a atteint le dernier niveau prévu par Pokémon Go, la communauté est intéressante à Louviers. « Il y a un groupe, on s’est bien structurés pour les raids, et il y a du monde. Il y a des rappels à l’ordre en cas de problème, on a un règlement ». Lui aussi, c’est l’intérêt communautaire qui l’intéresse. « On rencontre des personnes et on marche, ça fait sortir. »

Le jeu propose aux participants de se rallier à une des trois équipes, symbolisées par trois couleurs : rouge, bleu et jaune. Une source de discorde dans certaines communautés, mais pas dans celle de Louviers, explique Bridget, une des trois fondatrices du groupe. « On était trois à l’origine, on avait envie de créer une team sans distinction de couleurs, car ça crée des conflits. On veut que les gens viennent pour s’amuser. On a des gens de tous milieux sociaux, de tous âges, etc. Ça crée des amitiés. Parfois les gens restent après les raids. [N.D.L.R. : des combats coordonnés contre un Pokémon contrôlé par l’ordinateur] Le but c’est un peu de se rencontrer. »

Tous ensemble

À ce titre, la communauté locale fait office d’exemple. Certains des joueurs viennent d’assez loin pour se retrouver à Louviers, trouvant l’ambiance beaucoup moins sympathique dans d’autres lieux, à Évreux ou aux Andelys, par exemple.

On y voit effectivement des familles, des jeunes enfants, collégiens, élèves de primaire, voire plus jeunes, à partir de 5 ans. À l’autre bout de l’échelle, le doyen de la communauté lovérienne est âgé de 72 ans. Certains n’hésitent pas à tenir deux téléphones en même temps, pour faire leur chasse avec deux appareils, dont celui d’un proche absent.

Entre les joueurs, pas de chichis. Le tutoiement est, sinon de rigueur, fortement privilégié, et on n’hésite pas à plaisanter. Les jours comme ceux-ci, pour les événements communautaires, on se taquine même gentiment. « Encore un shinny ? [N.D.L.R. : Pokémon sous une forme rare, aussi appelée chromatique] C’est mon troisième d’affilée », fait mine de se plaindre Adrien, un collégien. Son voisin, légèrement vexé, répond, l’air moqueur, feignant de vouloir le faire taire : « Tu sais que j’ai un rouleau de ruban adhésif ? »

Du folklore en quantité

Pas question, par contre, de révéler certains secrets. Un des joueurs, nous explique ainsi qu’il profite d’une « arène » peu contestée pour maximiser ses gains en « poképièces » (la monnaie du jeu). « Mais vous ne le notez pas », demande-t-il, voulant garder son coin tranquille comme on préservait un coin à champignons des cueilleurs jaloux.

Affalé sur la table, le téléphone allumé »

Le jeu Pokémon a créé plusieurs mécanismes pour inciter à l’allumer au moins une fois par jour, à travers diverses récompenses. Mais pour certains, l’investissement est bien plus lourd. Une retraitée explique ainsi avoir vu son mari « affalée sur la table, le téléphone allumé », après minuit ; ce dernier se serait endormi en pleine partie.

Ce samedi, d’ailleurs, l’événement durait de 11 h à 14 h. Et si certains ont fait le choix de partir en cours de route – pour se sustenter, notamment – d’autres ont clairement repoussé les cris pressants de leur estomac pour enchaîner du début à la fin les captures pendant les trois heures. Objectif minimal : disposer d’au moins trois exemplaires du Pokémon du jour dans sa version rare, pour avoir ses deux évolutions dans sa besace.

Solidarité entre joueurs

Et pour cela, il faut compter non seulement sur un investissement en temps conséquent… mais aussi sur une certaine dose de chance ; car, peu importe le niveau et le talent, il est possible de repartir bredouille, ou presque, si la poisse vous colle à la peau.

Cependant, la solidarité entre joueurs peut venir remédier à cette infortune. « Ne t’inquiète pas, je t’en échangerais un », rassurent ainsi certains participants quand des joueurs n’ont pas pu remplir leur objectif. C’est peut-être cet état d’esprit, plus que le jeu en lui-même, qui explique cette survivance et ce dynamisme de la communauté.

La solidarité va même au-delà, puisque les joueurs disent bien s’entendre avec le gardien du jardin public, à qui ils demandent parfois de retarder la fermeture de quelques minutes, tout absorbés qu’ils sont par leur jeu. Une délicatesse d’autant plus appréciée qu’une « arène » est située à un endroit totalement inaccessible quand le jardin public est fermé.

Cyrille Crespy


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