
Marie-Madeleine Rey (à gauche) et Chantal Bonnemère. © A. Décup
Jésus avait des disciples parmi les femmes. Quelques-unes suivaient les apôtres. Plus courageuses que la plupart des compagnons de Jésus, certaines iront jusqu’au bout, jusqu’à la croix, l’accompagnant de leur délicatesse au-delà même de la mort. Et ce sont des femmes, les premières, qui annonceront Jésus ressuscité, « ne restant prisonnières ni de la peur ni de la douleur » selon les mots du pape François (Rome, place saint Pierre le 14 avril 2015). « Que de fois, de leur faiblesse si forte, elles entraîneront les hommes sur des chemins de résurrection » ajoute le Lotois, le père Gérard Bessière dans son dernier ouvrage « Le choc de Jésus ».
À travers la crise qui secoue l’Église, nous voyons apparaître bien des nœuds, bien des questions que l’Église n’a pas voulues ou su affronter ces cinquante dernières années : la révolution sexuelle, le pouvoir, la question des femmes.
Partie prenante de l’Église
Pour sortir de cette crise, il est essentiel que tous les fidèles, et surtout les femmes, se sentent partie prenante effective de l’Église. Tout baptisé est à égalité. Cela n’est possible que si l’initiative part d’en bas, d’une intervention active de tous, du courage de parler, de proposer, de participer.
C’est ici que l’évêque a un rôle crucial à jouer, par la participation des fidèles. Impliquer officiellement des femmes dans le choix des orientations des communautés ecclésiales locales, qu’elles soient diocésaine ou paroissiale est une démarche première. C’est ce qu’a décidé le 8 décembre 2018, Mgr Laurent Camiade en nommant Chantal Bonnemère et Marie-Madeleine Rey membres du conseil épiscopal à côté de cinq prêtres et diacre. Marie-Madeleine Rey, née à Toulouse, vient à Cahors en 1981 pour raison professionnelle et… tient bien y passer toute sa retraite. C’est le père Lachièze-Rey qui lui fait prendre sa première initiative : l’animation des chants à la cathédrale. Engagée dans l’Église depuis son adolescence, Chantal Bonnemère, née aux Antilles dans une famille chrétienne, arrive en 1990 dans le Lot. Mère de famille, elle est depuis 2016, co-responsable de l’aumônerie de l’Enseignement Public.
Rencontre avec les nouvelles collaboratrices de l’évêque de Cahors
Avez-vous milité pour qu’une plus grande place soit accordée aux femmes dans l’Église ?
M-M. Rey – Pour moi, jusqu’à présent les femmes aidaient les prêtres même si, depuis longtemps, j’ai conscience que l’Église sans les femmes n’irait pas loin. Je n’ai pas milité pour leur place au sein de l’Église. Ce n’est pas une question de revendication. Je souhaite que la femme ait une position juste pour transmettre la Bonne Nouvelle de Jésus Christ au monde.
Ch. Bonnemère – Il n’est pas question d’un combat pour les femmes. L’Église est une grande famille où chacun (dont la femme) a sa place. L’engagement chrétien me semble tellement évident et naturel. Ce fut le cas, pour moi dans la catéchèse puis maintenant à l’aumônerie. De là, découle l’évidence de sa place dans l’Église.
Quel a été votre ressenti après votre nomination ?
M-M. R. – D’abord, nous tenons toutes les deux, à remercier l’évêque pour sa confiance et son ouverture d’esprit. Pour moi, cette proposition, je l’ai reçue comme « une onde de choc ». Moïse a douté. Dieu lui a dit « Fais-moi confiance ». J’ai donc, fais confiance et accepté ma mission par amour pour l’Église.
Dès notre nomination, le 8 décembre, j’ai senti « la joie de l’ouverture » se manifester autant chez les fidèles que chez les prêtres. Ce qui signifie qu’un scepticisme planait à ce sujet. Il y avait une attente des chrétiens du diocèse. Cette décision va entraîner une plus grande reconnaissance et estime envers notre évêque.
C. B. – L’évêque est le berger du diocèse. C’est lui qui donne l’orientation qui aide à comprendre le message de l’Église universelle. La parole d’un évêque dans un diocèse est attendue par toutes les sensibilités de chrétiens. Elle a autant d’importance que celle du pape sur le plan international.
« Avec la force qui est en toi, va ! » dit Dieu à Gédéon (Jg VI 14). Cette parole, je l’ai prise comme un appel de Dieu qui me disait : « Avec ce que tu es aujourd’hui, j’ai besoin de toi ». Et j’ai dit Oui à l’évêque.
Comment rester fidèle a l’institution ecclésiale sans vous priver de votre liberté de parole ?
C. B. – Il nous faut rester sincère. L’évêque nous a demandé de la franchise, de l’authenticité et de la bienveillance.
Vous devenez collaboratrice de l’évêque. Vous ressentez que les choses bougent enfin ?
M-M. R. – Par notre spécificité (chacun arrive avec son vécu), avec notre différence, notre sensibilité féminine nous allons aider l’évêque dans son discernement.
C. B. – C’est important qu’il y ait plusieurs avis. La femme porte une analyse qui a un écho différent de celui de l’homme. Je pense aux prophètes ou aux saints qui n’avaient pas peur de prendre des décisions dérangeantes entraînant parfois douleurs et souffrances. Ils nous aideront par leur image à poser des actes de courage.
C’est la première fois que des femmes sont nommées au conseil épiscopal du diocèse de Cahors. Qu’est-ce qui va changer en vous ?
C. B. – La femme a le sens profond de la maternité. C’est elle qui ouvre à la vie. La mère prend les choses dans sa globalité, elle les analyse et apporte une réponse remplie de bienveillance.
Cette décision exige pour nous une plus grande responsabilité. Que l’Esprit saint nous aide à avancer sur ce chemin. En cela l’évêque nous aide à progresser sur le chemin de la sainteté.
M-M. R. – Cette petite pierre que j’apporte à l’Église est une joie. La responsabilité de participer à la mission est grande mais l’adhésion totale des prêtres m’aide.
ANDRÉ DÉCUP