
Appliqués, les modérateurs ont inscrits les propositions des participants au premier atelier du grand débat national à Rouen (Seine-Maritime), organisé jeudi 24 janvier 2019. (©SL / 76actu)
Comment ça se passe, le grand débat national ? Le projet, officiellement lancé dans l’Eure par Emmanuel Macron mardi 15 janvier 2019, a commencé à mobiliser les acteurs politiques, associatifs et citoyens. Sur le site officiel, cinq ateliers ont eu ou vont avoir lieu dans la métropole de Rouen (Seine-Maritime). Comment ça se passe ? Plongez dans les coulisses du premier débat organisé, jeudi 24 janvier, à Saint-Sever.
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Des « mouvements apartisans » aux manettes
Huit tables, autour desquelles se sont assis la centaine de personnes venues participer. « On ne pensait pas qu’il y aurait tant de monde », constate ravi Abdelkrim Marchani, de l’Éveil citoyen, qui a coorganisé l’atelier avec Safa Lahbib, présidente du Club Hessel. Deux « mouvements apartisans », selon la petite introduction faite avant le lancement des discussions. À chaque table, une dizaine de débatteurs et un modérateur.
Il doit cadrer les échanges sur chaque thème, les quatre du grand débat : « Démocratie et citoyenneté, fiscalité et dépenses publiques, organisation de l’État et services publics, transition écologique. » Une table « libre » permet d’évoquer les autres sujets, comme l’usage des lanceurs de balles de défense par la police.
Des propositions sérieuses et contradictoires
Ce premier atelier rouennais était chronométré : toutes les 20 minutes, les participants changeaient de table. Un temps restreint pour que chacun livre ses idées sur tous les thèmes. Certaines sont plébiscitées. Côté démocratie, la mise en place d’assemblées citoyennes, locales et nationales, est une mesure phare. Côté fiscalité, la progressivité de l’impôt s’impose, tout comme la lutte contre la fraude fiscale.
Sur la transition écologique, les attablés ont débattu d’une notion profonde, la responsabilité : « Est-ce celle du citoyen au quotidien ou est-ce à l’État de contraindre », résume Karim Djekboubi, le modérateur. C’est la deuxième idée qui a été davantage retenue. Un paradoxe, quant aux autres tables le désengagement de l’État et sa décentralisation sont les conditions avancées d’une meilleure démocratie et d’une fiscalité plus juste.
Certains participants, comme un Gilet jaune venu de Mauquenchy, sont venus avec leurs idées sur feuille. Sa priorité absolue ? « Non aux 80 km/h avant toute chose. » Il en fait la démonstration à la table libre. Tous ont pu apporter leur pierre. « J’avais peur de la caricature, mais ce n’est pas parti dans tous les sens », confie Philippe après deux heures de débat. Sophie est satisfaite d’avoir pu « sortir du manichéisme et de voir que la complexité apparaît avec les échanges ». Lesquels ont été marqués « par le respect et l’écoute », note Marc.
Des divergences avec le gouvernement qui font douter
La question qui taraude les débatteurs est celle de l’écoute de l’État, justement. La finalité des travaux du grand débat, qui se clora mi-avril, n’inspire pas confiance. Ceux qui ont participé à ce premier débat l’ont fait « par espoir républicain », juge Lucie, « et par curiosité », admet Marc. À la fin, tous les deux craignent que « le gouvernement ne prenne que ce qui l’arrange » ou « que ce qui va dans son sens ».
Ce qui serait, pour Marc, « un formidable déni de démocratie », tant les mesures gouvernementales « ne font pas partie des propositions » qu’il a entendues. La méfiance, Karim Djekboubi l’a sentie à sa table : « Ils ont fait très attention à ce que je faisais ! Certains surveillaient que j’écrivais bien tout ce qu’ils me disaient. Les gens ont foi en ce qu’ils ont dit, ils sont vigilants. » Sur les feuilles relevant les idées, Karim n’a rien oublié. Toutes les propositions formulées ont été transmises via la plateforme en ligne au gouvernement.
Des craintes d’être orientés par des partis politiques
Et les débatteurs resteront vigilants, envers le gouvernement ou lors des débats. Quatre autres rendez-vous ont déjà été fixés dans la métropole de Rouen : deux le 1er février, un le 2 et un autre le 9 mars, tous mis en ligne sur le site internet dédié. Celui du 1er février à la Halle aux toiles pose question, car il est organisé par le député LREM Damien Adam. « Il va nous orienter », disent plusieurs curieux. Lui promet d’être en retrait.
Dans la salle de la Maison des jeunes et des citoyens, les élus ou militants politiques n’ont pas fait étal de leurs positions. Nicolas Mayer-Rossignol, conseiller régional PS, a écouté sans prendre part. Yannis Khalifa, suppléant de la députée LREM Sira Sylla, a modéré car membre du Club Hessel. Seul Richard Lecœur, patron du Modem en Seine-Maritime, est intervenu contre « le fantasme des élus millionnaires ».
Nul doute que les participants non-encartés vont rester sur leurs gardes, dans les prochains débats. Ancien candidat aux législatives pour l’Éveil citoyen et organisateur du débat, Abdelkrim Marchani a expliqué en lançant la soirée qu’il s’agissait de faire de la politique « au sens grec de polis », la communauté des citoyens. Que leurs idées soient entendues ou non, ceux qui ont débattu sont certains d’une chose : « Plus personne ne peut dire que nous sommes désintéressés de la politique. Des politiques, oui. Nous voulons participer. »
IMAGE. Les quatre prochains ateliers du Grand débat national, à Rouen :

Capture d’écran du site du Grand débat national au 30 janvier 2019. (©DR)