
Amala Dianor donne au hip-hop une autre dimension (©JeffRabillon)
La Rép.77 : Vous vous découvrez tout jeune des capacités pour la danse. D’où vous vient ce don ?
Amala Dianor : C’est une question que je me pose depuis tout petit. Pas de mes parents, en tout cas, ils ne dansent pas du tout. Disons que j’ai beaucoup de facilités à reproduire ce que je vois. À l’époque, j’imitais Michael Jackson. Je regardais l’émission de Sidney, H.I.P H.O.P aussi. Tout ce que je voyais, j’arrivais à le reproduire et j’ai travaillé ces aptitudes à travers la danse.
Pourquoi dansez-vous aujourd’hui ?
Parce que parler c’est difficile. Souvent, on veut dire des choses et finalement, on se rend compte qu’on est mal compris. Ce qu’il y a d’intéressant avec cette discipline, c’est que tout le monde a déjà dansé. On peut dire davantage de choses à travers le mouvement et toucher un plus large public.
Dans de nombreuses interviews, vous avez exprimé votre désir de liberté dans vos choix artistiques. C’est quoi être libre pour vous ?
Être libre, c’est avoir la chance de pouvoir créer des spectacles. Être libre, c’est pouvoir proposer ses idées et qu’elles deviennent des propositions communes, que les gens se les approprient, viennent en débattre, même. Être libre, c’est pouvoir faire ce qu’on aime et partager. Lorsque je me lance dans un projet, je le soumets à mon équipe artistique et administrative et on le construit ensemble.
Cette volonté de liberté est aussi à l’origine du mouvement hip-hop mais celui-ci a ensuite évolué pour devenir plus commercial. Est-ce que c’est pour cette raison que vous vous êtes ensuite tourné vers le contemporain ?
Il y a un peu de ça. Au bout d’un moment, le hip-hop a intégré des codes et j’y ai perdu en liberté. On me disait que les mouvements que j’exécutais n’étaient pas du hip-hop et qu’il fallait que je danse de telle ou telle manière. Ma danse était inspirée de plein de choses, de mon enfance au Sénégal, de Mickaël Jackson, etc. Finalement, ces contraintes m’ont poussé à explorer ma danse ailleurs et j’ai trouvé un écho dans le contemporain. Mais ça ne m’a pas empêché de garder un pied dans le hip-hop puisque j’ai grandi dans cet état d’esprit là. Et une fois que j’ai visité assez largement la danse contemporaine, j’ai voulu revenir au hip-hop. Je voulais revenir à l’essence de ce qu’est ce mouvement, partir d’une énergie négative et en faire quelque chose de positif. Le hip-hop, c’est se pousser vers le haut et donner le meilleur de soi-même. Malgré nos différences, quel que soit le milieu d’où on vient, il est toujours possible de prendre plaisir à partager les choses ensemble.
En métissant les genres, vous transgressez les codes du hip-hop. Est-ce que la liberté vient de la transgression ?
En effet. J’ai d’ailleurs commencé par moi-même. J’étais le premier danseur hip-hop à intégrer le Centre national de danse contemporaine, à Angers. À l’époque, c’était très mal vu. Ce qui m’intéressait, ce n’était pas le côté rebelle mais la danse. C’est dommage de mettre des cloisons. C’est cette liberté-là que j’essaye de généraliser dans ma recherche en mélangeant différentes esthétiques. Mon dernier projet tourne autour de la danse classique. L’idée, c’est justement de voir comment on peut transgresser la danse classique en cassant les codes.
Est-ce que fonder votre propre compagnie, en 2012, a contribué à vous sentir encore plus libre sur scène ?
Pas forcément. Quand j’étais danseur, je suivais les instructions du chorégraphe mais j’étais assez libre d’interpréter et de m’exprimer à travers ses propositions. Quand on est soit même chorégraphe, c’est différent parce qu’il faut réussir à amener les danseurs à restituer la fidélité de l’idée qu’on a. Or, chaque personne arrive nourrie de ce qu’elle est et a une interprétation de ce qu’elle entend. Ce n’est pas toujours évident. C’est pour ça que, pendant de nombreuses années, j’ai travaillé avec des personnes que je connaissais bien. Néanmoins, je laisse toujours une liberté d’interprétation. Je construis une structure qui sert de base mais la liberté que je m’octroie, je leur cède.
Propos recueillis par
Vanessa RELOUZAT
Renseignements
« Quelque part au milieu de l’infini », du jeudi 21 au samedi 23 mars, au Théâtre-Sénart.
Tél. : 01 60 34 53 60.