
Emmanuel Macron participe à un débat-citoyen à Bourg-de-Péage, près de Valence le 24 janvier 2019. (©POOL/AFP/EMMANUEL FOUDROT)
Ça ne devait être qu’un déjeuner-débat avec une soixantaine d’élus. Mais après un tête-à-tête inédit avec le patron des Républicains Laurent Wauquiez, qui lui a reproché d’être « dans une bulle », Emmanuel Macron a changé de formule.
Le président a joué les invités surprise dans un débat-citoyen avec des Gilets jaunes jeudi 24 janvier près de Valence.
ISF, chômage, jusqu’au glyphosate : pendant 3h15, le chef de l’Etat, debout, micro en main, a balayé un grand nombre de préoccupations dans un échange de question-réponse avec quelque 250 personnes réunies dans la Maison des associations de Bourg-de-Péage (10 500 habitants), fief du ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, qui l’accompagnait.
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« Je ne suis pas un héritier »
Comme il l’avait fait avec des élus à Bourgtheroulde (Eure) ou à Souillac (Lot) pendant plus de six heures, il a défendu ses choix, reconnaissant des « erreurs » et assurant qu’il allait changer les « mauvaises choses ».
Il a encore une fois pris soin d’étudier des cas personnels, comme celui d’un handicapé qui lui a montré sa feuille de revenus. Ou d’écouter un participant qui lui a parlé à l’oreille.
LIVE | Grand Débat avec les habitants de Bourg-de-Péage.https://t.co/ata8gtesJ0
— Élysée (@Elysee) January 24, 2019
Si l’ambiance était globalement détendue et bienveillante, il a été interpellé parfois vivement sur certains sujet comme l’ISF. « Je ne l’ai pas fait pour faire un cadeau a des gens ». « Ben si », répondent plusieurs personnes. Lui: « non c’est pas vrai ». « Si », insiste l’audience.

Emmanuel Macron participe à un débat-citoyen à Bourg-de-Péage, près de Valence le 24 janvier 2019. (©POOL/AFP/EMMANUEL FOUDROT)
« Je ne suis pas un héritier », a-t-il lancé à une personne qui l’interpellait sur son passage professionnel par la banque Rothschild.
Sur le Smic, il a de nouveau expliqué : « si j’augmente le Smic de 100 euros payé par les employeurs, je détruis des emplois ».
Et il a reconnu que la sortie du glyphosate en France ne serait pas possible « à 100% » dans trois ans, comme il s’y est engagé.
Je ne suis pas le président d’un parti, des gilets jaunes ou que sais-je. Je suis le président de tous les Français.
« Ça montre la volonté du président de la République d’être au contact avec les gens. Le panel n’a pas été trié », a assuré Didier Guillaume à la presse à l’issue de la réunion.
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« Simulacre »
Certains restaient toutefois sceptiques. Comme le vice-président des Républicains (LR) Damien Abad. Nathalie Nieson « connaît #Macron! C’est un simulacre de #GrandDébatNational où l’on s’invite chez des amis! E. #Macron, arrêtez la com’, venez chez moi, dans l’Ain, et vous débattrez avec un parterre non choisi par vous ou vos amis ! », a taclé l’opposant.
Cela fait des années que la Maire de #BourgDePeage, @nnieson, connait #Macron! C’est un simulacre de #GrandDébatNational où l’on s’invite chez des amis!
E. #Macron, arrêtez la com’, venez chez moi, dans l’Ain, et vous débattrez avec un parterre non choisi par vous ou vos amis ! pic.twitter.com/OK38uARz52— Damien Abad (@damienabad) January 24, 2019
Le débat-citoyen était filmé, contrairement au déjeuner-débat organisé auparavant entre Emmanuel Macron et une soixantaine d’élus, dont le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez. Pas de caméras non plus pour le tête-à-tête inédit entre les deux hommes.
Lors du débat, le chef de l’opposition de droite a reproché au président son « écoute » tardive, responsable selon lui des « tensions » dans le pays. « Il faut réconcilier la France des villes et la France rurale », a ajouté le patron des Républicains. Il a ensuite conseillé, devant la presse, le président à aller sur le terrain pour échanger « directement avec les Français, sans filtre », lui reprochant de faire « des voyages dans une bulle ».
J'ai mis en garde le président de la République : un débat, c'est échanger directement avec les Français. Nous assistons à des voyages dans une bulle. Le président de la République doit changer, aller sur le terrain et échanger sans aucun filtre avec les Français. #Valence pic.twitter.com/YheUz9qZiB
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) January 24, 2019
« Je ne voudrais pas qu’il y ait des caricatures » mais « il faut voir l’état dans lequel on a pris le pays », a répliqué Emmanuel Macron à Laurent Wauquiez, avant de faire l’éloge de la « décentralisation » et de la « déconcentration » pour « des décisions au plus près du terrain », en jugeant le processus « trop lent ».

Le maire LR de Valence Nicolas Daragon parle avec des « gilets jaunes » devant la préfecture de la Drôme, où Emmanuel Macron rencontre des élus, le 24 janvier 2019. (©AFP/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK)
« On prendra des décisions »
« On prendra des décisions, a déclaré le chef de l’Etat à la sortie. Ce n’est pas un débat simplement pour entendre, j’attends aussi des propositions concrètes. Toutes ces propositions donneront lieu, soit à des textes de lois, soit à des décisions d’organisation, soit à des modifications plus lourdes », a-t-il promis.
Merci aux habitants de Bourg-de-Péage pour la sincérité de ce Grand Débat. Je continuerai à échanger avec ceux qui le souhaitent, partout sur le territoire.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) January 24, 2019
Retrouvailles avec Gérard Collomb
Gérard Collomb, le maire de Lyon, était assis tout sourire à deux places du président, des retrouvailles officielles pour les deux hommes depuis le départ avec fracas du gouvernement de l’ex-ministre de l’Intérieur, en octobre. Emmanuel Macron « écoute et essaie de répondre aux problèmes », a-t-il assuré.
« Qu’est-ce qu’on veut ? Des monstropoles d’un côté et des communes abandonnées de l’autre ? », a demandé le socialiste Aurélien Ferlay, président des maires ruraux de la Drôme et maire de Moras-en-Valloire, 657 habitants.
« Quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles », a-t-il conclu, convoquant Albert Camus dans la salle Barjavel de la préfecture.
Dehors, un périmètre de sécurité tenait à bonne distance quelques dizaines de « gilets jaunes » mobilisés malgré le vent glacé.
Macron « veut faire un débat citoyen mais il faut qu’il passe par les citoyens. On ne peut pas s’approcher, on est contrôlés. On ne passe pas si on a un +gilet jaune+ », déplorait notamment derrière un des cordons de CRS Dominique Roux, artisan de 47 ans résidant à Etoile-sur-Rhône.
« C’est difficile de parler aux 66 millions de Français en même temps », a fait valoir Gérard Collomb, prônant la multiplication de réunions avec élus et associations.