
A Roubaix (Nord), la déconstruction du bâtiment principal de La Lainière est entamée. (©Louis Ruyant/Lille Actu)
Derrière les grilles de la rue d’Oran, entre Roubaix (Nord) et Wattrelos, il se dresse péniblement au beau milieu d’un grand terrain en friche, voulant jouer son rôle de symbole jusqu’au dernier souffle.
Le dernier bastion de la plus célèbre filature de la région s’apprête à rendre l’âme.
La Lainière de Roubaix, fondée en 1911 par Jean Prouvost, qui a employé jusqu’à 8.000 personnes, a fait la gloire du textile français.
Elle a même reçu la visite de la reine d’Angleterre, Elisabeth II, puis de Nikita Khroutchev, le successeur de Staline. Paraît-il que le fil produit dans ces ateliers en une journée pouvait faire quarante fois le tour de la Terre !
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La fin d’un symbole
Aujourd’hui, il n’en reste plus grand-chose, mis à part les ruines de la filature à étages, en sursis depuis 2010. Alors que les autres édifices de l’usine ont été rasés entre 2009 et 2014, lui était gardé pour une potentielle réfection.
La question se posait, avec notamment l’intervention des Amis de la Lainière qui tenait à le sauvegarder pour en faire un lieu de mémoire, rappelle Mathieu Labendzki, de l’établissement public foncier (EPF), chargé de la réhabilitation du site. Mais c’était techniquement et économiquement impossible. »
Mise aux normes compliquée, bilan coût/avantage négatif. La déconstruction de ce bâtiment centenaire provoquera un certain émoi chez ceux qui y ont travaillé et qui tentent de conserver les souvenirs, l’EPF en a conscience : « le site est symbolique, il résonne dans les mémoires », accorde Caroline Carbon, chargée d’opération.
Mais le temps est compté aux yeux de la SEM ville renouvelée, mandaté par la MEL pour réaménager le vaste site de la Lainière, Peignage Amédée et Pennel et Flippo (33 ha), au profit d’entreprises et d’habitations.
La Lainière laissera ainsi place à 8.000 m2 de locaux destinés à l’artisanat.
La Lainière, fleuron d’un empire du textile
1911 : La filature la Lainière de Roubaix est créée par Jean Prouvost.
1919 : Après avoir été détruit par les Allemands, le site est reconstruit et agrandit. L’entreprise emploie 8.000 personnes.
1927 : La marque « Pingouin » fait son entrée. 90 millions de pelotes sont vendues par an.
Sur le fameux Couloir de l’horloge, l’entrée principale de l’usine, rue d’Oran, Jean Prouvost accueille Elisabeth II, en avril 1957, puis Nikita Khroutchev en mars 1960.
1978 : La mort de Jean Prouvost et l’arrivée du tissu synthétique enclenche la fin du groupe Prouvost. La crise du textile, les chiffres d’affaire en chute libre, les batailles financières et de succession, les vagues de licenciements (3.000 en 1988, 2.000 en 1989, 200 en 1991) achève la Lainière qui ferme définitivement ses portes en janvier 2000.
2009-2010 : Une première phase de démolition est entamée. La filature à étages est maintenue en place. La question de sa conversion est sur la table.
2013-2014 : La déconstruction se poursuit. Un projet de renouvellement urbain est porté par la MEL et la SEM ville renouvelée pour accueillir des entreprises (90.000 m2) et des habitants (40.000 m2).
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Les matériaux recyclés pour la suite des opérations
Sous l’égide de l’EPF, l’entreprise Franck Fer Déconstruction a entamé, lundi 4 février, des travaux de déconstruction qui devraient s’achever en octobre 2019. Une grande grue et quelques pelleteuses grignoteront cet édifice de 4.000 m2, haut de 4 étages, petit à petit, un peu comme un millefeuille.
Tout en longueur, après l’avoir débarrassé de son chapeau métallique. Si une petite partie des matériaux n’est pas valorisable, « la majorité d’entre eux (brique, parpaing, béton) seront récupérés et recyclés sur place », signale Caroline Carbon.
Ils seront d’ailleurs réutilisés pour les futurs nouveaux bâtiments du site.
Quant à l’intérieur, c’est quasiment vide, mis à part quelques éléments qui seront remis aux Amis de la Lainière », ajoute la responsable de l’opération.
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Pas de nuisances particulières
Dans ces vieux ateliers, aucune pollution particulière n’a été relevée.
« Il y aura un peu de désamiantage, mais cela reste marginal, certifie Mathieu Lebendzki. Aucun risque pour les riverains, ni pour la biodiversité, pour laquelle nous restons toujours vigilants.
Un oiseau, dont l’espèce est protégée, est tout de même revenu sur la friche.
Caroline Carbon assure que « des mesures compensatoires ont été prises » : deux nichoirs ont été installés, dont l’un dans le clocher de l’église Saint-Christophe. « Si, malgré tout, il venait à nicher ici, dans le bâtiment, nous devrions stopper le chantier. »
L’oiseau cherchera-t-il à protéger l’ancienne filature de son triste sort ?
Louis Ruyant
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