
« Nous ne pouvons nous construire comme une citadelle au milieu d’un désert », a déclaré Jean-Hugues Bonamy au cours de ses vœux lundi 21 janvier. L’intercom, qu’il n’a pas cité une seule fois dans son discours, appréciera d’être qualifiée de « désert »…
Si Jean-Hugues Bonamy souhaitait surprendre son auditoire, c’est réussi. Lundi 21 janvier, au Piaf, personne ne s’attendait à l’entendre annoncer à la fin de son discours de vœux son envie de dépasser les frontières administratives de Bernay « pour ouvrir les services aux communes du territoire qui le souhaitent ».
Voir le maire se faire le chantre de la solidarité territoriale en a fait sourire plus d’un. Surtout quand on se souvient des déchirements qui ont éclaté à la fin de l’année dernière entre la ville de Bernay et l’intercom Bernay Terres de Normandie, le maire n’hésitant pas à accuser cette dernière de spolier sa commune financièrement.
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Une intercom bis ?
Jean-Claude Rousselin a été le premier surpris. Désireux de retisser les liens avec la ville centre, le président de l’intercom était présent dans le public pour écouter son ancien vice-président. Les deux hommes se sont même parlé avant le début de la cérémonie, ils ont convenu d’un rendez-vous prévu prochainement. Mais Jean-Hugues Bonamy s’est bien gardé de le prévenir de l’annonce qu’il comptait faire quelques minutes plus tard. « Je vais lui demander des précisions sur sa proposition que je n’ai toujours pas comprise », confie Jean-Claude Rousselin.
Le maire a évoqué des partenariats qui seront proposés aux communes du bassin de vie afin que leurs habitants puissent accéder aux services de Bernay aux mêmes conditions que les Bernayens, y compris au niveau tarifaire. Pour l’enfance-jeunesse, par exemple, un supplément est actuellement demandé pour les usagers du centre de loisirs ne vivant pas à Bernay. « Nos professionnels sortiront de leurs murs », a promis aussi l’édile à propos de cette idée qui pourrait être testée rapidement.
Mais ce type de partenariats n’est-il pas plutôt du ressort du Département et de la Région ? Et puis, cela ne risque-t-il pas de faire doublon avec l’intercom ? Jean-Claude Rousselin se pose la question.
Il faut que Bernay ait un rôle moteur et je suis ravi de voir quand ils font des aménagements, car c’est tout le territoire qui en bénéficie. Mais de par son nom et ses statuts, c’est l’intercom qui gère pour l’ensemble du territoire, de la plus grande à la plus petite commune, rappelle le président. Et créer une dynamique, c’est déjà ce que nous cherchons à faire. »
« C’est plutôt une bonne idée, réagit Christian Debiève, le directeur général des services de l’intercom. Le conventionnement est une des modalités du bien vivre ensemble et c’est encadré par des textes. Je ne le vois pas comme une concurrence. Pour l’avoir pratiqué dans des postes précédents, c’est complémentaire avec l’intercom. » À condition, toutefois, que cela n’empiète pas sur le champ de compétences de cette dernière…
Difficile pour les observateurs de comprendre la logique de Jean-Hugues Bonamy. Après avoir entendu son discours, Marie-Lyne Vagner, membre de l’opposition au conseil municipal de Bernay, se demande pourquoi le maire a démissionné de son poste de vice-président à l’intercom au début du mois de janvier.
Il revient à de bonnes intentions. Après la politique de la chaise vide, il se prône rassembleur, dit-elle avec le sourire. Je suis ravie. Monsieur Bonamy veut mutualiser avec d’autres communes, cela prouve que Bernay a toute sa place dans l’intercom, car la ville veut faire ce que l’intercom fait ! »
Est-ce raisonnable ?
La surprise réservée par le maire n’a pas fait rire Pascal Didtsch. S’il prône lui aussi davantage de mutualisations et de coopérations entre communes, l’élu Front de gauche n’a pas apprécié la méthode. « Il n’y a eu aucun échange, ni aucun travail en commission ou en conseil municipal. C’est sorti d’un chapeau de magicien. C’est un déni de démocratie », dénonce-t-il. Et sur le fond,
c’est à mille lieues des préoccupations de nos concitoyens qui se battent pour plus de justice sociale. Le maire n’a pas dit un mot sur les fermetures de classes, il n’a pas appelé à participer à la journée de mobilisation pour les maternités, il n’a pas parlé des dangers qui menacent l’avenir du centre des finances publiques, pareil pour les tribunaux et même la sécurité sociale ».
Cette proposition d’ouvrir les bras de la ville de Bernay aux communes environnantes, Pascal Didtsch la qualifie d’ovni. « Qui fait quoi entre la ville et l’intercom ? A une époque, on disait qu’il fallait diminuer le mille-feuille. Là, on remet une couche supplémentaire ! »
Et puis, comment ne pas douter de la capacité des services de la ville de Bernay à répondre aux sollicitations alentour ? Ne faudrait-il pas commencer par résoudre les problèmes rencontrés par les Bernayens ?
Voirie, propreté urbaine, éclairage public… Je vois tous les jours des gens qui se plaignent et qui ne savent plus à qui s’adresser, raconte Pascal Didtsch. Il faut attendre des semaines pour qu’un pavé soit remis, des quartiers sont dans le noir complet pendant 72 heures, nos panneaux d’entrée de ville ne sont toujours pas nettoyés deux mois après avoir été tagués… Les moyens ne sont déjà pas suffisants pour notre commune et on va envoyer des agents de notre collectivité à l’extérieur de la ville ? »
L’élu d’opposition a été « estomaqué » par les vœux de Jean-Hugues Bonamy. Et il n’a pas été le seul.
Contacté afin de mieux appréhender sa proposition de « solidarité territoriale », Jean-Hugues Bonamy n’a pas répondu à notre sollicitation. La mairie nous a tout de même transmis un communiqué de presse apportant quelques précisions.
– Toutes les communes du bassin de vie de Bernay sont concernées, avec une priorité pour celles situées sur le territoire de l’intercom Bernay Terres de Normandie.
– La question des services concernés sera réglée au cas par cas et en co-construction avec les communes. Mais les services en lien avec la culture, l’enfance-jeunesse et la vie associative figurent parmi les plus évidents dans le cadre de ce projet.
– Une fois les partenariats actés/contractualisés, les habitants des communes pourront accéder aux services bernayens aux mêmes conditions que les Bernayens. Il sera simplement demandé aux communes une participation financière dont le montant sera proportionnel à leurs capacités budgétaires.
– La première phase de discussions avec les communes intéressées s’ouvrira en février/mars. L’idée est de tester le dispositif avec deux ou trois communes puis de l’étendre progressivement dans l’année.