
Carlos Pradal et son autoportrait. (©Jean Dieuzaide, Fonds Dieuzaide, Mairie de Toulouse-Dieuzaide)
« Je n’ai pas d’attrait particulier pour les anniversaires et les commémorations. Mais j’ai décidé de donner une tonalité particulière, en rassemblant à l’institut Cervantès une quarantaine de portraits réalisés par mon père. Des huiles majoritairement mais aussi des encres et des dessins » explique le guitariste et compositeur Vicente Pradal.
Une expo jusqu’au 20 décembre
L’exposition, baptisée « Œuvres de Carlos Pradal. Retratos » (Portraits en espagnol) qui court jusqu’au 20 décembre 2018, nous dévoile une facette méconnue du talent protéiforme de Carlos Pradal. Du peintre andalou nous reviennent en mémoire ses grandes œuvres thématiques des années 70 et 80 : Les Passantes, Le Billard, Le Flamenco…
Et cette haute et maigre silhouette qui posait sur le monde son regard d’enfant blessé. Une détresse intérieure liée à la Retirada. Comme des centaines de milliers de ses compatriotes, le jeune garçon fuit en 1939 avec ses parents et ses cinq frères et sœurs, le régime franquiste. La famille se réfugie à Toulouse et loge dans le quartier des Sept-Deniers, à la cité Madrid. L’adaptation à cette nouvelle vie est éminemment difficile.
Dessinateur-illustrateur pour La Dépêche
Après le bac, Carlos poursuit sans grande conviction des études de lettres et de philosophie. C’est le dessin qui plutôt l’anime.
En 1950, il s’inscrit comme élève libre aux Beaux-arts puis suit les cours de Raoul Bergougnan, le grand peintre figuratif toulousain, qui l’encourage dans cette voie. Après une brève carrière de professeur d’espagnol, il décide de consacrer sa vie à son art tout en travaillant comme dessinateur-illustrateur pour La Dépêche du Midi. « Parfois, il arrivait qu’on apporte sa page ensemble au siège du journal, sise rue de Bayard à l’époque. On rentrait par le rez-de-chaussée dans la salle des rotatives. Il y avait un bruit terrible. Pour moi, c’était l’Enfer de Dante » se souvient Vicente.
Durant les années 60, il connaît ses premiers succès en accrochant ses natures mortes aux galeries Maurice Oeillet et Simone Boudet. En 1972, il quitte la Ville rose pour s’installer à Paris, aidé par ses amis Joaquim Peinado et Orlando Pelayo. L’environnement du quartier des Halles où il habite l’inspire. Les pigeons et la grisaille parisienne offrent une singularité grise à sa palette.
Le retour en Espagne
À la mort de Franco, il peut enfin retourner en Espagne. En novembre 1975, il présente son travail à la Galeria Frontera de Madrid. Sa peinture est saluée unanimement par la critique. Il l’alimente alors de la lumière des paysages de sa terre d’Alméria, le fief de sa famille paternelle. Il produit considérablement jusqu’au mitan des années 80. Malade, il continue néanmoins de dessiner et de traduire les textes poétiques de Quevedo, Miguel Hernandez et Garcia Lorca.
En 1986, deux ans avant sa disparition, son ami Denis Milhau, le conservateur en chef du musée des Augustins, le comble de joie en lui consacrant une grande rétrospective de sa carrière.
Mathieu Arnal
« Œuvres de Carlos Pradal. Retratos » à l’institut Cervantès, jusqu’au 20 décembre à l’Institut Cervantès, 31 rue des Chalets à Toulouse. Tél. 05 61 62 80 72. www.toulouse.cervantes.eu