
Emily Watson incarne une femme, victime d’un viol et d’une terrible machine judiciaire. (© BBC/Kudos/Colin Hutton)
Apple Tree Yard, série diffusée en France sur la chaîne ARTE, sous le titre Sous influence, raconte le destin brisé d’une femme, victime d’un homme malveillant et d’une terrible machine judiciaire.
Le pitch
Yvonne Carmichael (Emily Watson), une scientifique reconnue, mère de deux enfants, voit sa vie tranquille bouleversée lorsqu’elle débute une liaison passionnée et inattendue avec un homme (Ben Chaplin) dont elle ignore la véritable identité. Une malheureuse rencontre qui la conduira jusqu’en prison, victime de son amour innocent et de sa recherche d’absolu.
Dans le cadre des rencontres dédiées aux séries télévisées, qui se dérouleront les 7 et 8 décembre 2018, au Havre (Seine-Maritime), une partie de l’équipe de la série Sous influence sera présente, samedi 8 décembre, pour débattre de la représentation de la justice dans la série. Entretien avec Chris Carey, producteur de la série britannique.
D’après un roman de Louise Doughty
76actu : En tant que producteur, pourquoi avez-vous choisi de soutenir ce projet ? Quels sont les éléments qui ont retenu votre attention : le sujet, les personnages ?
Chris Carey : Les sujets qui, pour moi, font sens et ont une importance traitent de loyauté et d’injustice. Dans le cas d’Apple Tree Yard, on retrouve de manière évidente ces thèmes traités sous la forme d’un thriller réellement tendu et prenant. Cela m’a vraiment intéressé, mais le principal, pour moi, demeure l’injustice criante et la situation difficile traversée par Yvonne. Les conséquences de sa transgression sont si brutales et effroyables qu’elles nous obligent à reconsidérer tout ce qu’on estime acquis dans notre société dite civilisée. La noirceur tapie dans l’ombre, derrière les apparences, a toujours exercé une fascination sur moi.
VIDÉO. La bande-annonce d’Apple Tree Yard :
Comment avez-vous travaillé avec Louise Doughty, l’auteur d’Apple Tree Yard sur l’adaptation de son texte ?
C’est un vrai plaisir de travailler avec Louise Doughty. Elle a compris que le scénario et l’esprit de la série seraient différents de son roman et elle a gracieusement laissé notre incroyable scénariste, Amanda Coe, prendre le contrôle de la dimension créative. Louise est l’une des collaboratrices les plus généreuses avec lesquelles j’ai travaillé.
En fait, sincèrement, je dois dire que la série a été élaborée avec des personnes qui ont de grandes qualités : que ce soit Louise Doughty ou Amanda Coe ou Manda Levin, productrice exécutive, et Jessica Hobbs, la réalisatrice. Ce qui fait l’originalité de ce projet par rapport à tous ceux sur lesquels j’ai travaillé, ce sont la qualité et la générosité des ces quatre femmes déterminées et brillantes.
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Deux acteurs virtuoses
Pourquoi avoir choisi Emily Watson et Ben Chaplin comme acteurs principaux ? Comment le choix s’est-il effectué ?
Être un acteur principal, c’est avoir la capacité d’emmener le public avec soi. C’est un don rare d’être capable d’avancer sur un chemin périlleux, en formulant des choix difficiles, tout en sachant qu’il faut entraîner avec soi le public et que ces choix reposent sur vos épaules, doivent s’exprimer dans chaque image et dans votre regard. Emily Watson a ce don. C’est une comédienne virtuose. Elle a su donner à Yvonne la gravité, l’intelligence, la force et le charisme recherchés.
Ben est un acteur extraordinaire, un incroyable comédien, qui tient parfaitement un rôle principal et fait preuve d’une grande générosité. Il était essentiel qu’il y ait une vraie complicité entre Emily et Ben. Le fait qu’ils aient déjà travaillé ensemble, qu’ils s’apprécient vraiment et qu’ils soient amis, a enrichi l’ensemble du processus : la chimie a pris. Nous avons eu beaucoup de chance qu’ils aient eu envie et accepté de jouer ces rôles.
Mettre en lumière la part d’ombre
Vous êtes le producteur de River, une série magnifique et très touchante, qui suit un policier hanté par la mort de l’une de ses collègues. Êtes-vous particulièrement intéressé par la part d’ombre, qui se cache en chacun de nous ?
Oui, c’est probablement ce qui me faire le plus réagir lorsque j’étudie la possibilité de contribuer à la réalisation et la production d’une série. Je suis tellement fier de la manière dont nous avons porté River à l’écran et le scénario d’Abi Morgan, mettant en scène un personnage à la lisière, au bord de la folie.
La vie est sombre et pleine d’ombres. Le monde n’est pas gai, ni doux et convivial. Le fait qu’on puisse encore y trouver amour, rédemption et pardon est, selon moi, la source de l’héroïsme. Je vois ça dans River, je vois ça dans Apple Tree Yard, je vois ça dans Les Misérables aussi. Des lumières salutaires qui brillent, malgré le vent, la pluie et la noirceur.
VIDÉO. La scène de danse de River :
Les Misérables, une adaptation de la BBC
Votre nouveau projet est une adaptation des Misérables. C’est très ambitieux. Comment le texte de Victor Hugo parle-t-il encore de nos jours ? Comment s’attaque-t-on à un tel chef-d’œuvre pour une adaptation télévisée ?
Les Misérables est un roman aussi pertinent de nos jours qu’il l’était au XIXe siècle. Injustice, souffrance, traitements inhumains et inégalité criante n’ont pas disparu. Le récit de Victor Hugo, qui met en scène le pouvoir rédempteur de l’amour en réponse à la misère et au désespoir, restera, je le crains, toujours une histoire importante à raconter.
Andrew Davies a écrit la plus belle et la plus humaine des adaptations et j’espère que nous avons su restituer fidèlement son travail à l’écran. Les Misérables est une des plus grandes histoires et je n’ai pas pris cette adaptation à la légère. J’espère sincèrement que les gens trouveront que nous avons fait du bon boulot.
Séries télévisées et consommation culturelle
Comment expliquez-vous le succès d’Apple Tree Yard ?
Vous ne pouvez jamais analyser le succès d’une série. C’est dû à un ensemble de facteurs. En tant que cinéaste, la seule chose que vous pouvez faire, c’est de proposer un travail sincère et espérer que les autres répondront à cette démarche, comme vous avez répondu au projet initial.
Comment analysez-vous le sujet des séries TV ? C’est une nouvelle manière de raconter des histoires ? Quelle différence faites-vous entre télévision et cinéma ?
Je pense que la technologie et l’influence qu’elle a eue sur la façon dont nous recevons et consommons la culture expliquent le succès actuel des séries télévisées. Par exemple, il est désormais possible de visionner 10 heures d’affilée de séries sur une plateforme, tout en permettant aux téléspectateurs de les regarder à leur guise. De plus, on peut les regarder de différentes façons : sur nos téléphones, nos ordinateurs, des vidéoprojecteurs ou de vastes écrans de télévision. Cela change notre relation à la télévision et au cinéma.
Les humains seront toujours friands d’histoires. La forme que cette histoire prend évolue avec le temps. Pour l’instant, les séries TV semblent solides et constituent le système de diffusion n°1 d’une histoire. Mais rien ne dure. Mais c’est plutôt chouette d’avoir l’occasion de raconter des histoires comme Apple Tree Yard, tant que ça dure.

Chris Carey, producteur d’ « Apple Tree Yard », travaille actuellement sur l’adaptation des « Misérables » pour la BBC. (©D.R.)
Infos pratiques :
Rencontres « Les séries et la justice », vendredi 7 et samedi 8 décembre 2018, à la bibliothèque Oscar-Niemeyer, au Havre.
Entrée libre.
Le programme en ligne, ici.
Samedi 8 décembre 2018, de 11h à 13h : Diffusion de l’épisode du procès d’Apple Tree Yard. Rencontre avec l’équipe d’Apple Tree Yard, avec Louise Doughty écrivaine et co-scénariste de la série, Amanda Coe, Chris Carey et Manda Levin, producteurs.