
Florence Thibaudeau-Rainot, vice-présidente du département de Seine-Maritime, en charge du label Grand site de France. (©MB/76actu)
Le travail pour obtenir le très exigeant label Grand site de France a démarré en 2012 avec les 13 communes situées entre Fécamp (Seine-Maritime) au nord et le cap d’Antifer au sud. En 2015, Florence Thibaudeau-Rainot, vice-présidente du Département de Seine-Maritime a repris les rênes du projet. Jeudi 23 mai au ministère de la Transition écologique et solidaire, elle va passer le grand oral afin d’obtenir la validation du programme d’actions. Elle espère d’ici 2020-2021 enfin obtenir le label. Entretien.
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« Le label, un véritable engagement »
76actu : À l’issue de votre grand oral, vous n’aurez toujours pas ce label, pourquoi est-ce aussi long comme démarche ?
Florence Thibaudeau-Rainot : C’est un label vraiment exigeant avant comme après son obtention d’ailleurs. Les 13 communes impliquées entre Saint-Jouen-de-Bruneval et Fécamp travaillent sur le projet depuis 2012. Elles ont obtenu l’inscription dans le réseau des Grands sites en 2013. Je suis arrivée comme référente du Département en 2015, juste pour la restitution de trois ans d’études sur ce territoire complexe. Depuis, nous avons mis en place notre programme d’actions que nous allons présenter jeudi et j’espère obtenir le label pour 2020-2021. Il sera valable pendant six ans, le délai dépassé, il faudra recommencer pour obtenir à nouveau la labellisation.
Vous êtes positive quant à la validation de votre programme d’actions ?
Nous avons eu récemment la visite d’un inspecteur des grands sites qui avait pour mission de voir si notre programme répond aux problématiques de ce territoire, car on ne parle pas que des falaises d’Étretat quand on évoque ce label, c’est un territoire qui fait sens avec une partie site classé et une autre qui ne l’est pas. Au ministère, notre mission sera de démontrer que nous avons pleinement conscience que nous avons un paysage d’exception et que nous avons l’intention de le préserver au mieux avec des actions importantes. Le label, c’est un véritable engagement.
Ce qui veut dire qu’auparavant, cette préservation du site n’était pas prise en compte ?
Touristiquement (sic) parlant non, c’est certain. Le projet a d’ailleurs démarré parce qu’en 2012, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement est allée voir le maire d’Étretat pour lui dire qu’il fallait agir pour préserver les falaises qui étaient notamment en danger à cause de ce parking se trouvant sur les hauteurs au niveau de la chapelle. Tout a démarré ainsi et depuis, le parking a donc été fermé. Avec ce label, il faut bien se dire que c’est un tournant dans notre façon d’envisager tout notre littoral compris sur ce territoire et par conséquent toutes les communes rétro-littorales. On est aujourd’hui sur une démarche de restauration et de protection de la qualité paysagère du site. C’est ça la démarche Grand site, ce n’est pas une vocation touristique.
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« Un territoire qui se mérite »
Mais le touriste, lui est-il prêt à quitter sa voiture pour monter voir la vue des falaises ou à emprunter des chemins qu’on lui impose alors qu’il peut aujourd’hui marcher où il veut ?
L’activité économique, touristique, agricole (qui représente 80 % du site), de l’habitant doit être à chaque fois pensée pour protéger le site, mais il faut faire en sorte que ces gens continuent de vivre et travailler. Préserver devient une priorité avec ce label. On est plus sur une démarche de touriste qui doit être au service du territoire. Aujourd’hui, les gens sont capables de le comprendre. Les grands sites, c’est l’esprit des lieux et c’est un territoire qui se mérite. Quand on fait la démarche de monter sur cette falaise à Étretat, on ne regarde pas le paysage de la même façon que lorsqu’on est monté en voiture, qu’on prend la photo et qu’on repart. On est dans une conscience d’avoir un paysage d’exception, un territoire où on se sent l’obligation de faire quelque chose. Il faudra demain aller au-delà de la consommation de notre territoire.
Même si on sait bien qu’en Normandie, le touriste reste peu de temps et veut donc tout voir très vite ?: C’est un argument que donnent certains acteurs du tourisme. Quand on leur dit qu’il faut gagner en qualité de visite, ils ne peuvent pas être contre. Aujourd’hui, les gens veulent appuyer sur un clic et avoir tout en main, mais ils ont des goûts différents, à nous d’organiser les choses et les diriger vers le bon clic qui les fera revenir.
« Retirer les filtres que nous avons tous sur les yeux »
Après le parking de la falaise d’Étretat, quels vont être vos priorités en matière d’aménagement ?
Nous allons beaucoup travailler sur un schéma de mobilité et des itinérances, notamment pour les personnes à mobilité réduite, mais également sur les chemins qui aujourd’hui avec l’érosion, ne sont plus pratiqués par les touristes qui veulent absolument voir la mer. À Fécamp, nous avons des fascines qui permettent aux gens de ne pas être trop près de la mer et aux pelouses de jouer à nouveau leur rôle contre les infiltrations et donc les attaques par le sol.
Pour le visiteur lambda, toutes ces actions prioritaires changeront quoi ?
Ça va lui faire comprendre qu’il est sur un territoire d’exception et c’est pareil pour l’habitant. Depuis que nous sommes engagés dans ce label, nous ne voyons plus ce territoire de la même façon. Il ne s’agit plus de la traditionnelle carte postale de l’arche d’Étretat. Nous avons bien l’intention de valoriser les valeuses, l’histoire des terre-neuvas… Notre ambition est de retirer les filtres que nous avons tous sur les yeux. Grâce à ce label et à toutes les actions que nous allons mener, on va redécouvrir un site comme Étretat, j’en suis certaine.